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Un denier tournois (1587) appartenant à M. Michel Brisebois. Photo: MB. |
Au fil de mes lectures je suis tombé sur cette belle expression: "Être marqué à l'A." Je ne l'entends jamais mais je la trouve parfois, sous la lettre A, dans quelques uns de mes vieux dictionnaires. Voici l'explication que donne le Dictionnaire de Richelet, dans une édition de 1728: " Être marqué à l'A; sorte de proverbe pour dire, être homme de bien & d'honneur, être homme de mérite et de probité. Ce Proverbe est tiré des Monnoyes de France qui sont marquées selon l'ordre de l'Alphabet, & dont celles qui sont de meilleur aloi, sont marquées à l'A. Toutes les Monnoyes qui se battent à Paris, ont un A pour les distinguer des autres lieux où l'on les bat." Voici deux photos qui montrent le texte du dictionnaire; l'explication débute à l'avant dernière ligne de la première photo et se prolonge à la deuxième photo.
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"Être marqué à l'A..." 1 de 2 . Dict. de Richelet (1728) |
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"Être marqué à l'A..." 2 de 2. Dict. de Richelet (1728) |
Voyez la photo qui coiffe cet article ou encore ici même (je la publie deux fois pour ne pas vous obliger à revenir en haut de l'article):
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Un denier tournois (1587) appartenant à M. Michel Brisebois. Photo: MB. |
On y voit une vieille pièce de monnaie, frappée en 1587, sous le règne de Henri III. C'est un "denier tournois". Et que voit-on au centre de la pièce de monnaie, sous les deux fleurs de lys? Un beau A qui confirme que cette pièce a été battue à Paris. Comme les gens de l'époque avaient confiance au bon aloi, au bon titre si l'on veut, des monnaies frappées à Paris, un homme "marqué à l'A" est un homme de bien, d'honneur, de mérite, de probité... Je n'ai jamais entendu cette expression au Québec. Peut-on me dire si elle est toujours en usage en France, en Belgique ou en Suisse?
Anciennement, on l'a vu, on frappait des pièces de monnaie dans plusieurs villes de France; chacune de ces villes marquait sa monnaie d'un signe distinctif. Voici les marques de ces villes, trente!, que je trouve dans le Dictionnaire de Trévoux ( tome 6 de l'édition de 1771). On les énumère, villes et marques, dans la première photo. La seconde photo est là parce que je veux toujours laisser au lecteur les fins de phrases des articles pertinents.
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Monnoie... Dict. de Trévoux (1771, tome 6). 1 de 2. |
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Monnoie... Dict. de Trévoux (1771, tome 6). 2 de 2. |
Même si elle est peut-être redondante, je vous laisse aussi l'explication que donne Émile Littré pour "marqué à l'A". Je tombe volontairement dans ce petit défaut de certaines gens qui nous expliquent deux fois ce qu'on avait déjà compris! Il faut bien que je montre que j'ai fait une bonne recherche. La définition est au centre de la photo.
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"Il est marqué à l'A..." Dictionnaire de Littré (1863, tome 1). |
Je remercie M. Michel Brisebois qui a eu la gentillesse de partager avec nous ce vieux "denier tournois" de 1587 qui est la clé de voûte de cet article. M. Brisebois, que je connais bien, est un homme marqué à l'A!
5 commentaires:
merci Pierre, on apprend à chaque billet... c'est la première fois que j'entends cette expression. Et d'ailleurs j'ignorais que le différent de Paris était toujours la lettre A...
Merci pour ce commentaire. C'est le petit défi que je me donne pour plusieurs articles: mettre en lumière des mots ou des expressions oubliées ou méconnues qui intéresseront mes lecteurs. Je les trouve au fil de la lecture de mes dictionnaires ou de vieux écrits. Je ne cherche pas cependant; je trouve plutôt au fil de ces lectures que je ferais de toute façon. Bonne journée!
Pierre
Nous sommes toujours demandeurs de ces expressions françaises revisitées. Pour faire ce type de littérature avec un grand "L", il faut être quelqu'un avec un grand "Q" et être marqué de l'"A" ;-)) Pierre
Bonjour Pierre. Merci pour votre intérêt, souligné en majuscules!
Quand j'étais à la petite école et qu'on nous montrait l'alphabet,on arrivait inévitablement à la lettre Q. Les enseignantes, qu'on appelait nos "maîtresses", ne prononçaient pas QU pour cette lettre, mais plutôt QE afin d'éviter l'allusion au...cul.
Salutations!
C'est comme vous dites Monsieur, il s'agit d'une belle expression tombée en désuétude. Merci pour vos éclaircissements. J'aurais aimé l'employer dans l'un de mes articles mais comme vous dites, elle est dorénavant "oubliée".
Excellent blogue aussi et bonne continuation.
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