dimanche 10 avril 2011

PUCELAGE. Dictionnaire de Furetière, édition de 1701. Où il est question de "matrones" qui ont examiné une pauvre femme victime de viol.

"Absence". Oeuvre du peintre Denis Jacques.
On lit dans "Le Petit Larousse" (2010): "Pucelage n.m. Fam. Virginité." C'est vrai, mais c'est un peu court.
À la défense du Petit Larousse, il faut noter que c'est un dictionnaire portatif destiné à un large public. On verra, dans l'article que je vous présente ici, qu'on trouve dans les vieux dictionnaires des définitions qui ont beaucoup plus d'extension et qui prennent des libertés qu'on ne trouve plus dans les dictionnaires usuels d'aujourd'hui.
Voici, in extenso, la définition de "pucelage" que je trouve dans l'édition de 1701 du Dictionnaire de Furetière.  Vous verrez que la définition du Furetière ne laisse rien à l'imagination. Dans cette première photo, on lit dans les exemples : "Elle perdit son pucelage avec ses premières dents. Balz." Et on lit aussi : "Un pucelage n'est pas un morceau aussi friand que l'on pense. Oe.M." Et, plus sérieusement, on lit que "Les Médecins modernes tiennent qu'il n'y a aucune marque certaine du pucelage." On y parle aussi des Matrones qui sont "...nommées pour visiter les filles qui se plaignent d'avoir été déflorées..."

Dictionnaire Furetière ( édition de 1701 ).

Dans la seconde photo, ici,  qui est la suite, on dit que des "rapports" contiennent "...quatorze marques du pucelage en des termes particuliers et inconnus..."


Dans la troisième photo, qui montre la suite, on découvre que trois matrones,"...Marie Miran, Christophlette Reine, et Jeanne Porte-poullet jurées de la ville de Paris..." se sont transportées "...dans la ruë de Pompierre dans la maison qui est située à l'Occident de celle où l'Ecu d'argent pend pour enseigne, une petite ruë entredeux, où nous avons vu & visité Olive Tisserand âgé (sic) de trente ans, ou environ, sur la plainte par elle faite en Justice contre Jaques Mudont bourgeois de la  ville de la Roche dur mer, duquel elle a dit avoir été forcée & violée, et le tout vu & visité au doigt & à l'oeil..." ( J'ai transcrit ici exactement l'orthographie du texte du Furetière ). Je note que le nom de la victime, Olive Tisserand, se retrouve ainsi dans un dictionnaire alors que la malheureuse femme était peut-être encore vivante; on ne se souciait vraiment pas à l'époque de la protection des renseignements personnels. Vous verrez dans la  quatrième photo, en bas ce celle-ci, ce que les terribles matrones ont  "vu et visité" chez la pauvre victime.


Voici donc la quatrième photo, qui est en fait le rapport des matrones (du 23 octobre 1672). On ne laisse rien à l'imagination. On explique dans le détail, dans une langue mâtinée d'argot, toutes les blessures de la pauvre victime. En fait, en l'examinant "au doigt et à l'oeil" les matrones ont violé la victime une seconde fois. On lit, entre autres qu'elle a eu "...les baboles abattuës, c'est-à-dire les nymphes (...) le barbidau écorché, c'est-à-dire le clitoris (...) le guillenard élargi, c'est-à-dire le conduit de la pudeur (...) "la dame du milieu retiré, c'est-à-dire l'hymen (...) " :


Pour finir, voici la suite de l'article. On y apprend qu'il y a "des affronteuses qui se disent des rabilleuses de pucelages" et qu'au Pérou "en la Province de Manta on ne marioit les filles, qu'à condition que les plus proches parens, ou amis du marié en jouïroient avant lui, & lui ôteroient son pucelage..." :


Par acquit de conscience, je laisse la suite.


On voit donc que la fréquentation des vieux dictionnaires nous enseigne beaucoup sur les mots et sur les moeurs d'autrefois, parfois bien terribles. D'ailleurs en rédigeant ce nouvel article je pensais au fameux "Congrès" dont j'ai déjà parlé dans ce blogue. 
Vos commentaires sont toujours bienvenus.