Chers lecteurs, je me dois de compléter ici l'article que j'ai publié le 17 novembre où je soutenais que des sources historiques importantes montrent qu'il vaut mieux dire " Un tien vaut mieux que deux tu l'auras " , sans "s" au mot "tien", alors qu'une longue suite de dictionnaires et ceux d'aujourd'hui mettent un "s" au mot "tien" et écrivent " Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ".
Je me dois de compléter parce que d'autres informations se sont ajoutées depuis : une première soutiendra ceux qui tiennent à " Un tiens..." mais d'autres soutiendront les partisans du " Un tien...".
Les défenseurs de "Un tiens..." voient dans le mot "tiens" un impératif pour justifier le "s" final. J'ai trouvé dans mon dictionnaire français-anglais Cotgrave, dans son édition de 1673,un proverbe semblable qui justifie l'impératif ou encore qui sous-entend "un que vous tenez". Voyez le bas de la photo: "Mieux vaut un tenez que deux vous l'aurez". Pour grossir, cliquez sur la photo; pour revenir cliquez sur votre "retour de page".
Je me devais de vous laisser cette information même si elle ne corrobore pas mon opinion. Ce blogue veut informer correctement ses lecteurs, sans détours, tout simplement. Il faut ajouter ici cependant que le mot "tien" peut être considéré comme un substantif, comme un nom si on veut. Un "tien", c'est ce que tu possèdes. Et en ce sens, on peut sans doute dire " Un tien vaut mieux que deux tu l'auras ". Voyez ce que dit le dictionnaire de l'Académie française dans sa première édition, celle de 1694. Regardez la photo, au centre : "Tien, est aussi substantif, & signifie Le bien qui t'appartient. (...)"
Définition importante. Donc, quand La Fontaine écrit dans sa fable "Le petit Poisson et le Pêcheur" qui a fait école : "Un tien, vaut, ce dit-on, mieux que deux, tu l'auras" ( orthographe de l'édition originale repoduite dans mon premier article ), il donne au mot "tien" le sens de " le bien qui t'appartient ". Comprendre donc : le bien qui t'appartient vaut mieux que deux biens que tu auras.
Après la publication de mon article original, j'ai aussi reçu d'un libraire expert en éditions anciennes ou rares, monsieur Bertrand Hugonnard-Roche (*), que je remercie ici, une photographie d'une autre édition ancienne (**) des Fables de La Fontaine où le mot "tien" n'a pas de "s". Voyez les deux photos, qui font la fable au complet. La phrase proverbiale est à la fin.
Donc, dans cette autre ancienne édition qui s'ajoute à l'originale que j'ai montrée dans mon premier article : pas de "s" à "tien". Ces deux photos, ci-haut, son extraites des Fables choisies de La Fontaine,édition d'Anvers, chez la veuve de Barthelemy Foppens, 1699, pp.195-196. ( Référence complète à (**), en bas ).
Pour finir j'ai trouvé dans le Supplément du Dictionnaire d'Émile Littré (1884) un exemple ancien qui montre qu'il n'y a pas de "s" dans une phrase semblable à la phrase proverbiale. Littré a mis un "s" dans le proverbe qui est dans le corps principal de son dictionnaire mais dans l'exemple historique qu'il ajoute dans son Supplément, il n'y a pas de "s" à tien. Voyez, au bas de la photo.
J'ai trouvé, sur internet, une édition de Aye d'Avignon qui donne la même orthographe. C'est moi qui surligne "tien". Pas de coquille donc. Cliquez sur la photo pour l'agrandir; revenez en cliquant sur votre bouton "retour de page".
Donc, dans ce texte du XIIIe siècle, la Chanson de geste Aye d'Avignon, on écrit : "...Qu'assez vaut miex un tien que quatre tu l'auras".
Cette source historique marque la fin de ce trop long exposé. Si on écrit " vaut mieux un tien ( pas de "s") que quatre tu l'auras", comment soutenir qu'il faudrait écrire "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras" ? De quatre à deux, rien ne change sur le fond. Et je rappelle que les éditions anciennes des Fables ne mettent pas de "s" non plus, tout comme la première édition du Dictionnaire de l'Académie française, le Dictionnaire de Pierre Richelet ainsi que le Dictionnaire de Trévoux. Merci, cher lecteur, ne m'avoir suivi jusqu'ici. Le prochain article sera plus léger.
(*) Librairie de monsieur Hugonnard-Roche : " L'Amour qui bouquine " au http://www.librairie-amour-qui-bouquine.com/
(**) Autres photos et référence . Note : Le "copyright" des photos de cette édition ancienne des Fables de La Fontaine est détenu par monsieur Hugonnard-Roche qui me les a transmises gracieusement.
Référence complète, fournie par monsieur Hugonnard-Roche:
FABLES CHOISIES. MISES EN VERS PAR MONSIEUR DE LA FONTAINE. Et par lui revues, corrigées et augmentées de nouveau.
PREMIÈRE PARTIE – DEUXIÈME PARTIE – TROISIÈME PARTIE – QUATRIÈME PARTIE.
Suivant la copie imprimé (sic) à Paris, et se vendent A Anvers, veuve Barthelemy Foppens, 1699
Relié à la suite :
FABLES CHOISIES. MISES EN VERS PAR MONSIEUR DE LA FONTAINE. CINQUIEME PARTIE.
La Haye, Henry van Bulderen, 1694.
5 parties reliées en 1 fort volume in-12 (16 x 10,5 cm) de (40)-268-(4) ; (2)-233-(3) et (8)-108-(11) pages.
Reliure plein veau brun, dos à nerfs orné (reliure de l’époque). Accroc en pied du dos (coiffe inférieure partiellement arrachée), petite fente à un mors, coins légèrement usés. Intérieur frais.
NOUVELLE ÉDITION ILLUSTRÉE.
Édition illustrée d’un frontispice et de 235 vignettes gravées par Henri Causse imitées de celles de François Chauveau, avec nombreux culs de lampes et bandeaux gravés sur bois. Contrefaçon rare de l’édition Barbin et Thierry, 1678-1679. Le frontispice est signé Romain de Hooghe, daté 1687 et à l’adresse de Henry van Dunewalt à Anvers. Cette édition qui reproduit l’édition Van Bulderen et Dunewalt de 1688 pour les quatre premières parties (pagination identique). La cinquième partie est ici en première édition contrefaite sur l’édition Barbin, de Paris, faite à la même date (1694). Les estampes à mi-page sont très bien gravées et très bien imprimées, nettes et bien encrées.Références : Rochambeau, 20 (éd. Van Bulderen, 1688).
TRÈS RARE ÉDITION COMPLÈTE DES CINQ PARTIES DES FABLES DE LA FONTAINE, EN RELIURE DE L’ÉPOQUE, ILLUSTRÉES D’APRÈS LES DESSINS DE FRANÇOIS CHAUVEAU.